Avec sa peinture, Iwan Warnet brouille les frontières entre abstraction et figuration, et explore, à travers les ambiguïtés de la représentation, la part active des regardeur·euse·s dans la perception d’une image. Il se place du côté de l’allusion plutôt que de l’affirmation, joue du soupçon d’aspect et du ralentissement du regard. Il crée une œuvre de l’indice et du fragment, guidée par un rapport intime à la figure humaine. Cette dernière, souvent présente en filigrane, affleure par traces ou par évocations sensibles. L’artiste prête à ses surfaces une dimension affective: les roses de la teinture de garance peuvent évoquer la peau, une toile se pare d’un bijou et de fard pour une revisite du thème du nocturne. Les sujets n'apparaissent que de façon discrète, ainsi des corps et plantes mêlés des Fragments de lignes d’erre qui émergent à peine d’un entrelacs de tons rapprochés. C’est ensuite dans les regards que s’opère la cristallisation ou que se maintient l’épaisseur de brume.
Il manie autant une peinture à la construction complexe qui s’appuie sur ses dessins – pour laquelle il regarde les équivoques d’Odilon Redon ou la figuration caviardée de Michael Krebber –, qu’un travail intuitif et complice avec le tissu qu’il accompagne vers « ses plus beaux états de surface » – par là, il se rapproche de la peinture à peine peinte d’un Sergej Jensen.

Ses expositions récentes se présentent sous forme d’installations où les œuvres sont pensées en symbiose avec le site, tant dans leur conception que dans leur occupation de l’espace. Tout en restant des entités autonomes, les peintures sont des fragments qui participent à la création d’un environnement. Cette pratique de l’espace par le travail permet de le saisir avec une dimension sensible, dans sa géographie, son volume, et dans les trajets et jeux de la lumière. Dans ces lieux de peinture, la toile nous invite à prendre le temps de lire les éléments peints, mais aussi de regarder les variations infinitésimales qui composent leurs teintes et leurs textures.

Iwan Warnet nourrit sa pratique de recherches autour de l’art des jardins et de ses porosités avec la peinture. Il s’intéresse notamment à la notion d’intricacy, qui trouve écho dans la conception de ses installations : elles sont construites pour un regard qui circule, qui se ménage des points de vues et tisse des liens entre les pièces. Elles imbriquent préoccupations formelles, indices de l’intime, bribes de récits, pour créer une forme de lieu-refuge, ou de locus amoenus.
Si elles proviennent d’une pensée du jardin, ses installations ont aussi à voir avec la chambre – l’écriture de Virginia Woolf avec son flux de conscience aura été une rencontre décisive pour l’artiste. Une chambre de peinture, que l’occupant absent nous aurait prêté le temps d’une visite, dans laquelle on ne fait que deviner le sens des éléments présents, mais où l’on perçoit la charge d’affects qui les habite et on se plaît à les faire signifier pour soi, dans la résonance avec notre propre monologue intérieur.

TEXTES :

→"L'indice et la brume", entretien avec Nicolas Fourgeaud, juillet 2023.pdf

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