avec Kelly Weiss et Samuel François
La Tannerie, Bégard.
Invité·e·s en résidence de création pendant l’été, Kelly Weiss, Iwan Warnet et Samuel François sont venu·e·s habiter La Tannerie dans la perspective d’y concevoir une exposition en trio. Ils et elle ont fait de cette résidence un temps où les réflexions autour de la mise en espace des oeuvres se nourrissent de l’expérience vécue du lieu, où la complicité artistique se mêle à celle du quotidien. Parcourir le jardin, déployer et disposer les peintures amenées, observer l’influence des changements météorologiques, partager les repas, glaner des matériaux, teindre du papier, ouvrir les fenêtres aux libellules, accrocher le travail des autres, penser le parcours de ceux qui viendront visiter, semer des indices, faire se répondre les surfaces, laisser entrer un courant d’air, auront été autant de manières de s’imprégner de la situation et de faire oeuvre avec elle.
Sur ce temps étiré et par influences réciproques, l’exposition s’est construite comme les traces sédimentées de leurs présences dans le lieu. Chaque objet, chaque surface, y a trouvé sa place ou s’est fabriqué dans ce lien étroit et sensible à l’architecture. Les poutres dessinent une grille sous laquelle les agencements prennent place, les fenêtres sont des cadrages sur le jardin mais aussi des supports pour que la lumière révèle la transparence des matériaux, l’irrégularité des murs chaulés et le dessin des pierres déterminent l’emplacement des oeuvres et prolongent l’attention de l’oeil aux surfaces…
KW
À la fois sculptures précaires et morceaux d’espaces, les boîtes de Kelly Weiss se présentent telles des micro-environnements, à la manière de terrariums. En captant les changements de lumières, leurs parois de plastique font un filtre qui peut modifier la perception de l’espace. Par le jeu des reflets, elles donnent à voir l’irrégularité de leurs assemblages, les altérations de leurs surfaces, et laissent deviner des formes glissées à l’intérieur. Elles ont un rôle de réceptacles mais proposent aussi une projection à partir de l’espace de La Tannerie: elles en évoquent les étages et la circulation entre les espaces. Oscillant entre l’idée d’une boîte rudimentaire et celle d’une maquette, elles sont une invitation à se concentrer sur le fragment pour ensuite percevoir la totalité depuis cette nouvelle échelle. Leur disposition auprès des toiles trouble alors la limite entre ce qui est tableau, ce qui fait mur et ce qui est lieu.
IW
Les dessins des Lignes d’erre de Iwan Warnet sont des explorations des diverses possibilités de la ligne, de ses errances. Ces dialogues de corps fluides et de plantes cherchent à fabriquer un territoire de l’indéfini, où le genre des figures n’importe plus, où les lignes qui les dessinent s’égarent.
Disséminés comme des ponctuations dans l’espace d’exposition, ils se donnent à regarder dans une proximité qui concentre l’attention. De la même façon que la légende donne un sens à la lecture des éléments purement abstraits qui composent une carte, ses dessins se font indices discrets pour notre perception des surfaces et des teintes que nous retrouvons après avoir relevé les yeux. Les lignes disparaissent quand on s’éloigne, mais quelque chose a changé, le jardin rentre plus encore par les fenêtres, le papier rose pourrait être une peau, des pétales se retrouvent dans les tons d’amande et de pastels.
SF
L’Aurore, colonne argentée fabriquée par Samuel François synthétise plusieurs de ses préoccupations: travailler à partir de matériaux simples en réduisant le plus possible les gestes et interventions; les rapports que nous entretenons avec les objets du quotidien; la place et la fonction de ceux-ci dans nos espaces de vie. Mais aussi sa fascination pour certains éléments architecturaux, objets ou structures fonctionnelles qui glissent malgré elle vers des objets purement esthétiques. À La Tannerie, la ligne construite à partir de boîtes de gâteaux consommées pendant le temps de la résidence, découpe verticalement l’espace et semble rejouer l’effet d’un des piliers miroirs du Barcelona Pavillon de Mies van der Rohe. Surface cadmiée séduisante et intrigante, les enrobages chocolatés des gâteaux semblent avoir infusé dans la paroi cartonnée de leurs emballages.
L’accrochage met en exergue les particularités architecturales du lieu autant qu’il s’appuie sur elles. D’apparence épurée, il invite au regard long qui parcourt les indices disséminés, s’immerge dans les peintures. On peut y déplacer les pliants, pour s’asseoir selon un point de vue qu’on choisit. Ils deviendront ensuite les traces de nos présences dans ce lieu, qui se mêleront aux phénomènes habitant l’exposition : une trouée de soleil qui surexpose le paravent couché avant qu’un nuage fasse revenir le bleu pâle derrière lequel affleure un rose fluorescent, l’ombre des châssis de fenêtres que le passage des heures déplace, un papier qui s’envole quand la porte s’ouvre.
KWIWSF
Photos © Margaux Olivré









